lundi 26 avril 2010

BDS et IBS (Israel Boy Scoutism) ou "de quand tu t'aperçois (encore une fois) que les frontières d'Israël sont limitrophes de la France"


"Le plus grand dérèglement de l'esprit humain c'est de croire les choses parce qu'on veut qu'elles soient et non parce qu'elles sont en effet" (Bossuet)

"Les capacités de l'esprit humain à inverser le réel sont infinies en ce qu'il s'agit d'un processus non pas statique mais dynamique. L'inversion du vrai et du faux, du juste et de l'injuste, de l'objectif et du subjectif conduit ainsi à voir, par exemple, dans une réfutation erronée du vrai une démarche juste et, inversement, dans la juste critique de cette réfutation erronée une démarche injuste et ainsi de suite à chaque stade du débat. Cette attitude correspond peu ou prou à "l'obstination dans l'erreur" décrite par Schopenhauer dans L'Art d'avoir toujours raison qui conduit souvent à chercher - et à trouver - un nouvel argument en faveur de ce que l'on croit être la vérité après qu'un premier argument a été réfuté. L'inversion du réel produit ainsi un effet miroir qui n'est pas seulement celui d'un objet dont l'image unique, en se reflétant dans un seul miroir, reste facile à distinguer de son "modèle" mais du phénomène que l'on obtient lorsque l'on place un objet entre deux miroirs: l'image de l'objet se reflète à l'infini dans une série "d'images de l'image" ou le réel s'abolit à mesure qu'on le perd de vue." (Guillaume Weill-Raynal, Les nouveaux désinformateurs, Armand Colin, Paris, 2007, p.54)

"La désinformation est une manipulation de l'opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés." (Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation, Editions du Rocher, Paris, 1999, p.33)

L'année dernière un prix d'honneur du siècle du néon avait été décerné sur ce même blog à Bernard Henri Levy. Nous n'avons pu résister en ce début d'année 2010, à en décerner un second. Moins prestigieux il va de soi, car si BHL avait eu la décence de prendre la peine de valider son lamentable argumentaire par le fait qu'il était allé sur le terrain de l'opération Plomb durci, Eric Marty, éminent professeur de littérature comparée à l'université Denis-Diderot, Paris VII, nous livre son "point de vue", sur la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanction et ses origines "islamo-gauchistes", confortablement installé au 80 boulevard Auguste Blanqui.

Son prix: le Néon plaqué Or pour ce magnifique concentré de désinformation en date du 21 avril 2010: "Le Boycott d'Israël est-il de gauche?" ou comment énoncer, avec une inconscience déconcertante, des contre-vérités sur les réalités sociales d'un pays dans lequel on n'a certainement jamais mis les pieds.

Eric Marty a re-gagné ses lettres de noblesse dans cette ahurissante inversion du réel publiée par Le Monde, dont certaines tribunes, ouvertement racoleuses, commencent à sentir le poisson mort deux fois.

Mais étant donné qu'on ne peut certainement pas tout dire pour défendre Israël, le Monde nous offre un semblant de débat démocratique en cette fin du mois d'avril.

Penchons-nous sur trois phrases particulièrement significatives de l'attitude d'Eric Marty et plus généralement symptomatiques de l'IBS, l'Israeli Boy Scout, le désinformateur professionnel qui, se sentant investi d'une mission divine, et au nom de la désinformation dont Israël serait la victime, dit n'importe quoi dans le but de redorer le blason de cet Etat, pourtant terni par la réalité et par rien d'autre.

L'inversion du réel:

"Désormais, et avec une nouvelle intensité depuis la guerre de Gaza, s'ajoute le projet d'un boycott d'Israël en Europe, idée qui est devenue à ce point familière qu'elle trouve un écho favorable, tantôt passif, tantôt actif dans des partis politiques français, comme le Parti communiste ou les Verts."

Rendons hommage à la dextérité avec laquelle M. Marty utilise l'hypallage, figure de style qui lui permet d'éclipser l'horreur de la dernière offensive israélienne en déplaçant "l'intensité" de la chape de plomb qui s'est abattue sur la bande de Gaza l'hiver dernier, pour en faire "l'intensité" du boycott et enfin, une charge "intensive" contre Israël, perçu comme le bouc-émissaire accusé à tort, grâce à ce procédé linguistique. Le nom "intensité" n'est syntaxiquement pas rattaché à Gaza, pour qualifier le caractère même de l'offensive israélienne, mais il est utilisé ici pour caractériser le boycott d'Israël. Cette subtilité sémantique sert à brouiller le rapport de forces existant et à faire perdre de vue l'origine même de "l'intensification" du boycott, qui trouve sa raison dans la violence de la dernière guerre israélienne.
En fait, selon Eric Marty, les Verts et les communistes, non contents de compter dans leurs rangs de nombreux antisémites qui croient dur comme fer au "complot juif", seraient en fait de dangereux "islamo-gauchistes" qui trahissent la gauche parce qu'ils n'auraient pas tous, contrairement à la majorité du PS, prêté serment d'allégeance au CRIF.

Le Monde encouragerait-il la désinformation?

"Il n'est pas vrai que l'Etat d'Israël pratique l'apartheid de près ou de loin à l'égard des Israéliens d'origines musulmane, druze, bédouine, chrétienne. Ceux-ci ont les mêmes droits politiques, sociaux, sanitaires, économiques, éducatifs que les juifs. S'il y a des inégalités, celles-ci sont conjoncturelles et démenties par de nombreux contre-exemples. Et bien sûr, et contrairement à ce qui se passait en Afrique du Sud, Arabes et juifs prennent les mêmes transports en commun, se transfusent le même sang, et ont des rapports sexuels qui ne sont soumis qu'aux préjugés culturels, familiaux et claniques qui règnent sans doute moins chez les juifs que dans les autres communautés."

Oui, Israël est bien l'Etat de tous ces citoyens sans exception, et étant donné les difficultés auxquelles même certains juifs se heurtent pour se marier entre eux, il est clair que les mariages inter-religieux y sont régulièrement célébrés (sic).





et voilà qu'Eric Marty s'improvise juriste international, avant de noyer carrément le poisson dans une autre réalité qui ne trouve aucune comparaison, mais qui semble bien être le signe de reconnaissance de la prose du désinformateur professionnel:

"Il n'est pas vrai qu'Israël ait commis des crimes contre l'humanité à l'égard des populations palestiniennes lors de la guerre de Gaza: aucun soldat israélien n'a commis de viols, de meurtres délibérés de civils, d'assassinats de masse comme il s'en est fait au Congo, en Tchétchénie, au Soudan, pour ne parler que d'exemples récents."


Une méconnaissance totale du système politique israélien:

" La politique du gouvernement israélien n'est pas une bonne politique (...) Ce n'est pas seulement la pression de tel ou tel minuscule parti religieux qui en est la cause, c'est à l'évidence le manque de vision du premier ministre israélien."

Eric marty a décidement beaucoup d'humour. Le "minuscule parti religieux" auquel il fait référence n'est autre que le Shass, le parti séfarade ultra-religieux, sans lequel aucune coalition ne peut espérer voir le jour à la Knesset.


A quelle nécessité répond un professeur de littérature comparée lorsqu'il n'hésite plus à mettre sa crédibilité d'intellectuel et d'universitaire au service de la propagande d'un Etat étranger?

Peut-être à la même nécessité idéologique qu'un professeur de philosophie, ou qu'un historien spécialiste de l'ère médiévale, devenus les étendards d'une critique de l'islam so trendy. Non seulement ces intellectuels sortent de leur compétences en nous prodiguant des vérités très relatives sur un sujet auquel ils ne connaissent probablement rien (du moins à les lire c'est bien le constat qui en ressort), mais ils se sentent légitimes dans leurs rôles d'imposteurs car ils ont été adoubés par des médias qui les prient, en feignant de faire appel à des "experts" du conflit israélo-palestinien, de venir donner leurs visions réactionnaires, impérialistes et ouvertement racistes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire