jeudi 27 juin 2013

"C'est beau comme du Zemmour"

Une agression de Caroline Fourest

Analyse d’un discours islamophobe

par Julien Salingue
26 juin 2013

Parce qu’il y a un temps pour rire et un temps pour être sérieux, parce que l’actuelle recrudescence d’agressions physiques contre des femmes portant le hijab est un sujet grave, nous laissons cette fois-ci de côté le registre ironique, satirique ou parodique de nos précédentes productions fourestologiques, et nous proposons, ci dessous, un compte-rendu précis, assorti de commentaires factuels, à propos des agressions d’Argenteuil, et de l’abject « billet d’humeur » que vient de lui consacrer la lauréate 2011 du Yabon de l’expert-chroniqueur le plus raciste, celle qui, sous la bannière de l’antisexisme, de l’antiracisme, de l’antitotalitarisme et de la « gauche modérée », continue à squatter les ondes de Radio France et de France Télévision. Celle qu’on pourrait plutôt qualifier d’extrémiste, de fanatique, de militante islamophobe radicale : Caroline Fourest.



Le mardi 25 juin Caroline Fourest décide, dans sa chronique « Le monde selon Caroline Fourest », diffusée sur France Culture, d’évoquer, pour la première fois, les agressions perpétrées ces dernières semaines contre des jeunes femmes voilées à Argenteuil [1]. On s’apprête à pousser un « ouf » de soulagement. Enfin, Caroline Fourest prend conscience de la réalité des violences islamophobes. Enfin, elle va utiliser la tribune que lui offre le service public pour appeler chacun et chacune à en faire de même. Enfin, elle va reconnaître qu’il est urgent d’agir et de cesser de stigmatiser de manière systématique les musulmans.
Mais en fait, non. L’éditorialiste, d’habitude si prompte à dénoncer les violences faites aux femmes (notamment musulmanes), nous gratifie d’une chronique… déconcertante, au cours de laquelle elle va, entre autres, mettre en doute la réalité des agressions, accuser (à mots couverts) les associations mobilisées à Argenteuil d’être antisémites et, last but not least, expliquer que les féministes n’ont pas à s’impliquer dans la défense des femmes voilées violentées. Le tout en 7 minutes.

La parole des victimes mise en doute
Caroline Fourest n’y va pas par quatre chemins, et ce dès le début de sa chronique : les violences commises à Argenteuil sont des « agressions odieuses et clairement racistes ». Voilà qui est dit.
Mais immédiatement après ce qui n’apparaît, a posteriori, que comme une précaution oratoire, elle bat en retraite, mettant en doute la parole des victimes, et donc la véracité desdites agressions :

« Une femme portant le voile s’est plaint d’avoir été agressée en sortant d’un laboratoire médical par ce qu’elle décrit comme étant deux skinheads, l’un ayant le crâne rasé et l’autre une crête rouge, ce qui correspond assez peu au profil d’un skinhead. Plus tard d’ailleurs il ne sera plus question de crête rouge, il faut dire que la version a beaucoup évolué au fil des jours entre ce qui a été dit à la presse dans les premier temps et ce que la victime a ensuite déclaré aux policiers chargés de l’enquête, sachant qu’elle n’a pas déposé plainte tout de suite et qu’il a fallu attendre plusieurs jours et que la mairie insiste pour obtenir cette plainte ».


Et, au sujet de l’autre agression (la première, dans l’ordre chronologique) :

« Cette fois c’est une jeune femme d’à peine 17 ans qui aurait été insultée, traitée de sale arabe et de sale musulmane par deux hommes, deux autres crânes rasés ayant porté des coups et arraché son voile. Cette fois aussi la jeune femme n’a pas déposé plainte tout de suite (…). Et là aussi c’est une version qui n’a pas arrêté de changer ».


L’éditorialiste doute donc de la parole des jeunes femmes agressées, même si elle rappelle que les éléments qu’elle avance « ne veulent pas dire que la parole de la victime ne mérite pas d’être entendue, surtout dans un climat où les agressions contre les femmes voilées existent et constituent effectivement des actes racistes intolérables ». Mais tout de même… La commissaire Fourest a mené son enquête, et vous avouerez, tout de même donc, qu’il y a des éléments troublants, et notamment celui-ci :
« la [deuxième] victime dit aussi avoir reçu un coup au ventre, ce qui pourrait expliquer la fausse couche dont elle vient d’être victime, mais dans sa déclaration au commissariat elle parle d’un coup à la hanche ».


Certes.

Le phénomène est bien connu, notamment de tous ceux et toutes celles qui luttent contre les violences faites aux femmes, et qui savent parfaitement que les victimes d’agressions physiques (et, a fortiori, de viols) mettent, dans la plupart des cas, beaucoup de temps avant de porter plainte (quand elles le font…) et que les récits qu’elles font des violences qu’elles ont subies changent souvent en raison des dégâts psychologiques provoqués par de telles agressions. Le temps qui s’écoule entre les violences et les plaintes est d’ailleurs, au même titre que le caractère changeant, voire contradictoire, des récits des victimes, l’argument favori des violeurs pour « démontrer » qu’ils sont innocents. Les initiateurs et initiatrices de la campagne « Viol : la honte doit changer de camp », lancée en novembre 2010 avec le soutien, entre autres, de Caroline Fourest, doivent être ravi-e-s de l’entendre reprendre à son compte de tels poncifs.

Des associations solidaires mais… suspectes

Dans un deuxième temps, Caroline Fourest s’attaque à celles et ceux qui se sont mobilisé-e-s aux côtés des victimes des agressions d’Argenteuil, et notamment les associations et organisations engagées dans la lutte contre l’islamophobie. La Coordination contre la Racisme et l’Islamophobie (CRI), le Collectif Féministe Pour l’Égalité (CFPE), les Indigènes de la République ou encore les Indivisibles, sont ainsi ciblés. Mon propos n’est pas ici de défendre ces organisations et leurs orientations, qui pourront le faire elles-mêmes si elles le souhaitent, mais bien de souligner que la nature des accusations portées contre elles contribue, en plus des suspicions à l’égard des victimes, à relativiser, sinon à nier, les violences commises à Argenteuil.
Car en réalité « ces associations de la lutte pour le voile, proches des Frères Musulmans et de leurs prédicateurs » (rien que ça !) sont « biens connues », selon Caroline Fourest, pour leur volonté de « mettre en concurrence les victimes du racisme ».
Elles ne se mobilisent « que quand il s’agit de défendre le voile et de prendre le parti des intégristes sexistes ». Car elles ont en réalité un agenda caché :

« ils pensent qu’on dénonce trop le racisme anti-juif et pas assez le racisme anti-musulman, peut-être parce que le second racisme les dérange beaucoup plus que le premier ».


Ne sont-ils pas « ceux qui veulent croire que la république est toujours du côté des juifs mais jamais du côté des musulmans » ?

Pas besoin de traducteur universel pour comprendre ce que sous-entend lourdement Caroline Fourest : celles et ceux qui se mobilisent aux côtés des victimes de l’islamophobie ne le font que pour des raisons peu avouables, à savoir leur volonté de dénoncer un traitement de faveur réservé aux Juifs, ce qui ne manque pas de témoigner de leurs tendances antisémites.Pour étayer sa thèse, Caroline Fourest rappelle, à ceux qui affirment qu’il y a un « deux poids deux mesures » dans les réactions politiques et médiatiques aux agressions selon qu’elles touchent des Juifs ou des Musulmans, qu’ils se trompent.

Ainsi, elle souligne que « les familles des victimes ont été reçues Place Beauveau, exactement comme lorsqu’il y a eu une agression contre la synagogue d’Argenteuil en octobre dernier ».


Souvenons-nous en effet qu’en octobre 2012, des coups de feu (à blanc) avaient été tirés à proximité de la synagogue d’Argenteuil, ce qui n’avait pas manqué de susciter une (légitime) émotion dans la communauté juive de la ville. Mais rappelons également à Caroline Fourest que les représentants de la communauté juive, qui n’ont pas eu besoin d’organiser des manifestations pour être entendus, avaient alors été reçus dès le lendemain par Manuel Valls, tandis que les jeunes femmes d’Argenteuil ont dû attendre un mois (pour la première) et une semaine (pour la seconde) pour être « invitées » au Ministère de l’Intérieur, après un long, très long silence médiatique et politique, qui n’a été rompu que grâce à la mobilisation.

Pas « exactement » le même traitement, en somme, contrairement à ce que laisse entendre l’éditorialiste, ce qui permet de comprendre une certaine indignation chez les victimes et leurs proches, qui ne cherchent pas à mettre en concurrence les racismes mais exigent que l’islamophobie soit, au même titre que l’antisémitisme, un mal dénoncé et combattu de manière systématique, y compris et notamment par les pouvoirs publics.
C’est ce que Caroline Fourest aurait pu entendre si elle avait daigné se déplacer à Argenteuil samedi dernier lors du rassemblement organisé devant la sous-préfecture. Pas de concurrence, mais un refus du traitement différencié selon la couleur de peau et/ou la religion des agressé-e-s et des agresseurs. Mais il n’est pas sûr que Caroline Fourest, qui écrivait en 2003, dans son ouvrage Tirs Croisés (co-écrit avec Fiammetta Venner), qu’« à côté de l’intégrisme musulman, les intégrismes juif et chrétien donnent l’impression de phénomènes marginaux plutôt folkloriques, en tous cas sans conséquences » [2] comprenne la nuance.

Musulmane, mais pas femme

L’ultime pirouette de Caroline Fourest, qui donne a posteriori son sens au titre de sa chronique (« Faut-il être féministe pour dénoncer l’agression de femmes voilées ? »), consiste à expliquer qu’un mauvais procès est fait aux associations féministes qui n’ont pas dénoncé les agressions d’Argenteuil. Car en effet, ces agressions (si elles sont avérées) n’entrent pas, selon Caroline Fourest, dans la catégorie des violences faites aux femmes. Pourquoi ? C’est simple :

« Les femmes voilées ne sont pas attaquées en tant que femmes mais en tant que musulmanes, c’est important de la préciser parce que du coup ça ne suppose pas (…) une solidarité spécifiquement féminine ou spécifiquement féministe ».


On se frotte les yeux (ou les oreilles, si l’on écoute la chronique), et on reprend : pas en tant que femmes, mais en tant que musulmanes. Des jeunes femmes sont agressées dans la rue par des hommes, qui les traitent, pour au moins une d’entre elles, de « salope », mais tout cela n’a rien à voir avec le fait qu’elles sont des femmes.
Question à Caroline Fourest : pourquoi sont-ce systématiquement des femmes musulmanes qui sont victimes d’agressions physiques dans la rue, et non des hommes portant barbes et/ou djellabas ?
Cela n’aurait-il rien à voir avec les ressorts de la domination masculine, et notamment celui selon lequel les femmes ne sont que tolérées dans l’espace public qu’est la rue, qui doit néanmoins demeurer sous l’emprise des hommes, comme le rappellent les agressions quotidiennes, qu’elles soient verbales ou physiques ?
Mais non, tout cela n’a pas de sens, et Caroline Fourest balaie cet argument d’un revers de manche, en usant d’une comparaison qui ne manquera pas de faire bondir les organisations féministes :

« ça ne suppose pas (…) une solidarité spécifiquement féminine ou spécifiquement féministe, à moins de considérer que quand un homme musulman est agressé, il faut des associations d’hommes pour le soutenir en tant qu’homme ».


C’est beau comme du Éric Zemmour.

Abjection ultime
Chacun aura compris que ce qui gêne considérablement Caroline Fourest, et qui permet de comprendre la faiblesse de son argumentation, c’est qu’il lui est impossible de reconnaître qu’une femme voilée puisse être victime de sexisme en raison du fait qu’elle porte le voile. Car le sexisme est le voile, et le voile est le sexisme. La femme voilée ne peut être victime de sexisme, selon la vision du monde de Caroline Fourest, que de la part de ceux qui l’obligent (forcément) à porter son voile. Pas de la part de ceux qui le lui arrachent. L’éditorialiste tente d’ailleurs, par la bande, de proposer la seule lecture féministe possible de ces violences, franchissant une nouvelle fois la ligne rouge de la décence en affirmant, au sujet de la première agression, ce qui suit :

« là aussi c’est une version qui n’a pas arrêté de changer, dont la police d’ailleurs doute, elle n’exclut pas un règlement de comptes familial, une opération punitive destinée à faire payer à la jeune femme son style de vie jugé trop libre ». 


Qui sont les sources policières de Caroline Fourest ? Nous ne le saurons pas. C’est la première fois que tous ceux et toutes celles qui suivent l’affaire entendent parler de cette « version ». Il faudra que Caroline Fourest nous explique si le témoin d’origine pakistanaise qui est intervenu dans la rue pour protéger la jeune Rabia faisait lui aussi partie de ce complot familial. L’éditorialiste précise que cette version du règlement de comptes « reste totalement à confirmer ». Mais elle a osé. Osé suggérer que les agressions sont peut-être le fait de musulmans eux-mêmes, achevant de retourner la situation après avoir mis en doute la parole des victimes et délégitimé les associations solidaires, le tout en prônant « l’union des forces antiracistes ». Et, d’ajouter, dans un bel élan de franchise, que s’il s’avérait que son hypothèse « familiale » était la bonne, « cela changerait évidemment tout ».

Évidemment.

P.-S.

Ce texte, initialement paru sur le blog de Julien Le pire n’est jamais certain, est reproduit avec l’amicale autorisation de l’auteur.

Notes

[1] Caroline Fourest s’était jusqu’à présent fendu d’un simple tweet, dénonçant la « musulmanophobie », ce que n’avait pas manqué de relever et de commenter Sébastien Fontenelle.

vendredi 24 mai 2013

Le mur du çon





et c'est pas fini...

Only in France


Le 21 mai 2013, un homme s'est suicidé d'une balle dans la bouche dans Notre-Dame, devant un millier de touristes médusés.

Selon ses affidés et les médias, cet homme, Dominique Venner, intellectuel et essayiste d'extrême-droite, volontaire durant la guerre d'Algérie, proche de l'OAS, païen, et caetera, se serait donné la mort en signe de protestation politique contre la loi autorisant le mariage gay. Son geste est salué par Marine Lepen, qui y voit un "éveil des consciences".




Le lendemain, sur le parvis de la cathédrale, des gens se sont rassemblés dans un dernier hommage...




Pour quelle raison est-ce que je me sens mal à l'aise?
Qu'est-ce qui me gène exactement dans l'hommage rendu?

Des personnes, que l'on peut, sans trop exagérer, considérées comme proches du Front National, du Printemps français, et/ou de la manif pour tous, ont librement exprimé leur admiration pour un homme d'extrême-droite, farouche opposant aux droits à la fois des homosexuels et des immigrés. Ces gens sont ainsi venus saluer un homme dont le discours disait:  

"Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m'insurge contre la fatalité", contre "les désirs individuels qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire", ajoute Dominique Venner. "Alors que je défends l'identité de tous les peuples chez eux, je m'insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations"

Ces gens sont donc implicitement en accord avec ce discours.

Ceci prouve bien que nous vivons dans une démocratie et que nul ne peut être inquiété pour ses opinions ou ses sympathies. Nul? Vraiment?

Mais oublions Ramadan, et transposons la situation: imaginons que Venner se soit appelé Mahmoud, par exemple, imaginons qu'il ait été intellectuel et essayiste salafiste, qu'il ait combattu en Afghanistan, qu'il ait été proche de groupes politiques haineux et/ou terroristes. Mahmoud en a marre de ce qu'il appelle la décadence de la France, qui pour lui veut dire le mariage gay, et le fait que les musulmans ne prennent pas les armes pour bouter hors de France les "infidèles". Il trouve la menace islamiste trop lente, et veut agir. Il arrive devant l'autel de notre dame et se fait sauter la cervelle. Le lendemain, des fans viennent lui rendre hommage.

Pourrait-on imaginer que cela se produise en France? Evidemment non, bien sur que non, le périmètre aurait été bouclé, personne n'aurait été assez fou alors pour pointer son nez et saluer cette démence. Pas un politicien n'aurait osé rendre hommage à ce genre d'illuminé, tous se seraient évertués à dénoncer la menace islamiste dans une débauche de tweet et d'amalgames. Personne n'aurait trouvé normal de rendre "un dernier hommage", personne n'aurait trouvé pertinent d'écrire:

"Mahmoud appartenait à une race d’élite. Celle des hommes qui se sacrifient pour ce à quoi ils croient. Rien à voir avec les tueurs islamistes qui se suicident uniquement pour en entraîner d’autres dans la mort. Rien à voir non plus avec des kamikazes japonais qui acceptaient de mourir pour que meurent aussi leurs adversaires américains."

établissant ainsi une distinction entre un "intellectuel" des extrêmes, qui s'est donné la mort de manière spectaculaire, et un terroriste. Aurait-il été permis de faire cette différence entre un intellectuel des extrêmes et un "jihadiste", s'il avait été identifié comme musulman.
 
En effet, rien à voir entre une incitation à la haine et un appel à l'insurrection et les propos de Dominique Venner: "Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines".

Elle est là l'exception française: dans le refus de voir ce qui n'est qu'un autre visage, tout aussi terrifiant, du terrorisme.

samedi 27 avril 2013

Enfin!

Depuis quarante ans, les élucubrations de Bernard-Henri Lévy lui ont valu les réprimandes et les sarcasmes d’intellectuels aussi divers que Raymond Aron, Pierre Vidal-Naquet, Gilles Deleuze, Pierre Bourdieu... Cela n’a nullement empêché le philosophe préféré des médias d’empiler les signes de reconnaissance de la bonne société et de multiplier les propos diffamatoires. Avec un argumentaire plutôt subtil : tous ses ennemis politiques seraient assimilables à des nazis...

La liste des bourdes et des calomnies de notre intellectuel de parodie est longue et ancienne. Il a pour distinction de s’être à peu près trompé sur tout. Soucieux d’accomplir un travail de mémoire sur les impostures intellectuelles de BHL, Le Monde diplomatique a, il y a quelques années, regroupé et classé toutes ses calembredaines dans un dossier très détaillé.

Mais rien n’y faisait. Les présidents français passaient (François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande), et chacun recevait Bernard-Henri Lévy à l’Elysée, comme si une telle charge relevait de son office au même titre que la désignation du premier ministre et la possession des codes nucléaires. Parfois, des présidents lui confiaient même une mission officielle ou semi officielle (en Bosnie dans le cas de Mitterrand, en Afghanistan avec Chirac, en Libye avec Sarkozy). Au risque pour la France d’embarrasser ses diplomates et de devenir (un peu) la risée des chancelleries monde entier.

Le 23 avril 2013, la 17e chambre correctionnelle de Paris a cessé de rire. Dans un arrêt juridiquement remarquable, elle a reconnu Bernard-Henri Lévy « complice du délit de diffamation publique envers un particulier ». Et elle a estimé que Franz-Olivier Giesbert, qui avait publié le texte diffamatoire, s’était rendu, en qualité de directeur de la publication, « coupable » du même délit de diffamation publique.

De quoi s’agissait-il ? D’un « bloc-notes de Bernard Henri-Lévy » publié par Le Point. Cet exercice hebdomadaire de BHL est devenu la lecture presque obligée de tous ceux — sociologues, anthropologues, historiens, humoristes — qui travaillent sur les réseaux de connivence en France. Notre philosophe y dispense en effet, sans la moindre distance ni la moindre ironie, les compliments à ses obligés — ou à ceux dont il attend quelque faveur. Symétriquement, il se montre tout aussi généreux de ses remontrances, voire de l’expression violente de son animosité, lorsqu’il parle de ses adversaires. En particulier de ceux qui ont démasqué ses diverses impostures.

Au nombre desquels ... Le Monde diplomatique, un mensuel qui ferait partie « des chagrins de [l’] existence [de BHL] » depuis qu’il se serait mis « au service du pouvoir pétrolier ». Faute de temps sans doute, et de moyens aussi (ceux de Bernard-Henri Lévy sont considérables), Le Monde diplomatique n’a jamais répliqué sur le terrain judiciaire. Lorsque, le 23 décembre 2010, Bernard Cassen, ancien journaliste et directeur général du Monde diplomatique, a lu le « bloc-notes » de BHL dans Le Point, il a cette fois décidé de porter l’affaire devant les tribunaux.

Pourquoi ? Parce que Bernard-Henri Lévy avait écrit ceci : « Viennent de se produire deux événements [...] considérables. [...] Le second fut ces Assises internationales sur l’islamisation de l’Europe organisées, quelques jours plus tard, à Paris, par le groupuscule néonazi qui s’était rendu célèbre, le 14 juillet 2002, en tentant d’assassiner Jacques Chirac et qui s’est allié, pour l’occasion, à un quarteron d’anciens trotskistes rassemblés sous la bannière du site Internet Riposte laïque. Il faut le dire et le redire : [...] présenter comme un “arc républicain”, ou comme une alliance entre “républicains des deux rives”, ce nouveau rapprochement rouge-brun qui voit les crânes rasés du Bloc identitaire fricoter, sur le dos des musulmans de France, avec tel ancien du Monde diplo, Bernard Cassen, est un crachat au visage [de la] République. »

Impatient, peut-être même frénétique à l’idée de fustiger une nouvelle fois Le Monde diplomatique, Bernard-Henri Lévy avait tiré trop vite. Et commis une erreur grossière d’identification. Tel ce singe de la fable de La Fontaine qui avait pris le port du Pirée pour un homme (1), notre intellectuel avait en effet confondu Bernard Cassen avec… Pierre Cassen, fondateur du site Riposte laïque, effectivement proche de l’extrême droite.

Mais il ne s’agissait que d’une « coquille », gémit BHL. Le tribunal lui répond de manière cinglante en lui reprochant un manque total de « sérieux » : « Il convient de considérer que l’évocation de Bernard Cassen, ancien journaliste et directeur général du mensuel Le Monde diplomatique [...] au lieu et place de Pierre Cassen relève davantage d’une insuffisance de rigueur et d’une carence de fond, que de la simple “coquille” invoquée en défense. »

Et la 17e chambre correctionnelle précise : « Pour l’ensemble de ces motifs, le bénéfice de la bonne foi ne saurait être accordé [à BHL] et, par voie de conséquence, Franz-Olivier Giesbert ne saurait en bénéficier. »

La sévérité de la justice — qui aligne dans ses attendus les appréciations peu flatteuses pour le directeur et pour le chroniqueur du Point : absence de sérieux, insuffisance de rigueur, carence de fond, manque de bonne foi... — s’explique assurément par la gravité de la faute commise par Franz-Olivier Giesbert et par BHL, son « complice ». Comme le note le tribunal : « L’alliance explicitement imputée à Bernard Cassen avec un groupe politique présenté comme véhiculant une idéologie gravement attentatoire aux valeurs républicaines et comme ayant tenté d’assassiner le chef de l’Etat le jour de la fête nationale de 2002, constitue un fait précis, dont la vérité est susceptible d’être prouvée, et qui porte atteinte à son honneur et à sa considération. »

Les deux prévenus, reconnus « auteur et complice du délit de diffamation publique envers un particulier », sont condamnés chacun à une amende de 1 000 euros « qui, pour Bernard-Henri Lévy — dont le casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation, à la différence de Franz-Olivier Giesbert — sera assortie du sursis ».

Et la publication de cette décision devra paraître dans un prochain numéro du Point, « au pied du “bloc-notes” de Bernard-Henri Lévy [...] dans un encadré, et sous le titre écrit en caractères majuscules et gras de 0,4 cm de hauteur CONDAMNATION JUDICIAIRE . Les deux complices devront par ailleurs payer les frais d’insertion de la publication de la décision qui pourfend leur diffamation dans deux organes de presse choisies par le plaignant.
D’ores et déjà, Le Monde diplomatique se porte candidat à la publication dans ses colonnes de cette réjouissante décision de la justice française.

(1) Le singe et le dauphin. La Fontaine écrit :
«  De telles gens il est beaucoup
Qui prendraient Vaugirard pour Rome,
Et qui, caquetant au plus dru,
Parlent de tout et n’ont rien vu.  »

lundi 7 mai 2012

"Cet affreux cauchemar est enfin fini"





♫♪♫ Il ne peut plus rien nous arriver d'affreux maintenant ♫♪♫


enfin mis à part Copé en 2017, Lepen en 2022, mais n'y pensons pas tout de suite. On prend une bonne bouffée d'oxygène pour l'instant, on arrête les anxiolytiques quelques semaines.

vendredi 21 octobre 2011

What a wonderful world...



Nul besoin de préciser, enfin je l'espère du fond du coeur, qu'on n'appréciait pas fatalement le personnage pour déclarer que voir un homme piétiné par une foule n'est pas un spectacle du meilleur goût.

Bien entendu c'est la fin d'un règne de plomb pour les Lybiens, et on ne peut que s'en rejouir de loin, toutefois, doit-on se rejouir de voir un tyran écrasé au sol et devons-nous, dans un souci démocratique et une mise en garde aux autres tyrans "de la région" comme le précise la presse britannique (et surement française, pourquoi serait-elle en reste lorsqu'il s'agit de mettre en garde les "dictateurs" qu'elle encensait quelques mois plus tôt) diffuser ces images pour le bien de nos futures générations?
Il ne serait peut-être pas inutile d'étudier ce genre de cas au baccalauréat.

samedi 24 septembre 2011

I had an ecumenist dream


"I had a dream"...des plus insensés. Prier Allah dans une église.
J'ai rêvé que les musulmans pouvaient aller prier dans les églises, que les juifs et les bouddhistes pourraient à ce moment-là en faire autant, et que les chrétiens pourraient aussi prier dans les mosquées ou les synagogues.

Les lieux de culte seraient le bien de tous les croyants, qui veilleraient ensemble à ce qu'ils ne soient plus profanés. Ces lieux appartiendraient à toutes les religions, et il serait du devoir de tous les croyants qui les fréquentent de les préserver.

Plus de polémiques autour de la construction des mosquées, plus de guerres de religions "importées", plus de "favoritismes" que certains se font un devoir de dénoncer.

Mais ce n'est qu'un rêve oecuménique...