Je désespère, je déprime, je trépigne, je piétine...maintenant pour être hotesse d'accueil il faut savoir parler cinq langues, on se dit "l'accueil de l'ONU?!"...non, du salon de l'agriculture...(véridique, l'annonce figurait sur @jobetudiant.com!).
Pour travailler chez Gap aujourd'hui, même si on a bac+8 (ce qui en soi représente déjà un bon handicap de base), mais qu'on a déjà travaillé dans la vente, on peut se voir fréquemment répondre "pas le profil recherché" sans autre explication.
Alors à force d'écumer les annonces, le web, on se retrouve devant des annonces dont l'intitulé à lui seul rend circonspect:
"Travail de confiance et de patience, assistance aux enquêtes et filatures..."
Notez "de confiance" et les trois points de suspension.
Profil du/de la candidat(e) (ou du candide), "vous êtes patient et organisé", le tout rémunéré 10 euro nets. L'heure, la journée, le boulot?!
On se demande dès lors, et à juste titre, dans quoi on s'engage. On s'imagine rédigeant une lettre de motivation:
Je souhaiterais vous soumettre ma candidature suite à votre annonce de recherche d'un(e) personne... patiente et de confiance.
En effet, je suis organisé, serviable, patient et je pense qu'on peut me faire confiance. J'ai toujours fait preuve d'un vif intérêt pour les enquêtes et filatures ne ratant pas un épisode des inspecteurs Colombo, Derrick et Remington Steele, et je souhaiterais apprendre au contact de professionnels la meillleure façon de mener une filature.
Par ailleurs, cet intérêt s'est déjà manifesté en moi durant ma prime jeunesse, alors âgé de 16 ans, j'aimais après les cours suivre les filles qui me plaisaient...
Tout simplement impossible.
Autres "offres d'emploi", celles où il arrive que "Bel H. d'affaire cherche étudiante sérieuse" pour la maudique somme de 250 euro/heure.
Mais à quel type de "sérieux" l'annonce fait-elle allusion?!
Le "Bel H." souhaitait-il euphémiser "la discrétion"de l'étudiante?
Qui plus est, on est tenté de céder à la paranoïa du traquenard lorsqu'en continuant de lire on s'informe que les rendez-vous/entretiens d'embauche, auront lieu dans les "bars d'hotels luxueux".
Autant répertorier cette "offre" sous "souhaitez-vous évoluez au sein du plus vieil emploi du monde?".
L' "offre" sort bien évidemment du cadre "compétences et avenir de maîtres du monde pour salaires dérisoires" mais n'en est pas moins horrifiante.
L'année dernière, un ami, outré par ce qu'il venait de lire, m'avait envoyé une annonce des plus insolites: on y cherchait un traducteur de langue anglaise qui pourrait, dans le strict cadre de ses fonctions, prendre également en charge certains travaux de repassage, activité étroitement liée à la traduction n'est-ce pas.
Etant moi-même dans cette activité à ce moment-là (la traduction, pas le repassage), j'avais ricané sans y préter trop d'attention, en me disant que certaines personnes ne manquaient pas d'air, non mais franchement!
Un an après, je me rends compte de l'état catastrophique du marché du travail en France.
Ce qui m'intéressait, c'était la presse mais ce secteur n'embauche pas ou trop peu, si on n'a pas fait d'école, ce qui est un gage de professionnalisme, c'est un peu normal de ne pas trouver mais le manque de contacts, de piston, de relations, appelez-ça comme vous voudrez devient disqualifiant, dans la mesure où on a carrément aucune chance. Ou alors si petit veinard, on décroche un stage, même quand on a 40 ans, indemnisé, attention prodigalité-des réformes-étatiques-de-grande-envergure-oblige: 400 euros au mieux, c'est large!
(398, 12 euros en vrai)
C'est un fait en France, surtout à l'époque à laquelle nous vivons, tout le monde vit "décemment" avec 400 euros. (sic!)
Outre le fait que les entreprises et/ou les groupes semblent faire abstraction complète du niveau de vie du pays où ils exercent, ils font également abstraction de l'employé et de sa force de travail. Revenant en permanence sur les saintes 35h, ils attendent du blaireau, car oui ils nous prennent vraiment pour des nouilles ou plus dangereux, ils profitent sciemment du fait qu'en temps de "crise" nous ne ferons pas les "fines bouches", qu'il effectue 39 à 40 heures de travail hebdomadaire, avec possibilités d'heures supplémentaires, qui lui seront payées dans... 3 ans?!
Et pourquoi pas, ces heures supplémentaires pourraient aussi empiéter sur son repos dominical?
Quand on cherche du travail on regarde toutes les offres, même si on sait pertinement qu'on n'a pas toujours les qualifications pour, on tente sa chance et on se retrouve devant cette "foultitude" de jobs, rassemblés sous l'ombrelle "secrétaire de direction", plus vagues tu meurs, pour lesquels on ne comprend même pas de quoi il s'agit excepté de se retrouver "en étroite collaboration avec le directeur, vous prenez en charge l'accueil, le standard, la réservation de taxis, les plis à envoyer, les données à répertorier, le suivi des plis et réservations, vous avez la responsabilité des boissons et des salles de réunion".
Je traduis: appels, courriers, courir derrière le "boss" pour qu'il ne rate pas le taxi qui l'attend depuis 1h30, tout en faisant les cafés après avoir passé une heure, voire deux à passer l'aspirateur en salle de réunion; parce que le syndicat de la société d'entretien a appelé à la grève, avec leur salaire de misère on ne va pas le leur reprocher quand même; le tout en ayant un moteur de recherche du genre Google intégré dans son lobe frontal.
En général ces annonces s'accompagnent d'une "expérience minimum souhaitée de cinq à dix ans dans un poste similaire".
Petit calcul, si j'ai 25 ans, il y a cinq ans j'en avais 20 (aah hier encore...), il y a dix ans j'en avais 15. Il y a cinq ans je faisais des études et maintenant je galère, donc j'ai besoin de n'importe quel job, alors je propose ma candidature, mais je manque d'expérience.
Si j'avais, visionnaire que j'aurais dû être, posé cette candidature il y a cinq ans, on m'aurait dit "vous n'avez pas assez d'expérience", mais si je l'avais posée il y a dix ans, le cas ne se serait même pas présenté, je n'avais "aucune expérience", mais surtout une interdiction formelle de travailler et par conséquent, aucune chance de pouvoir acquérir une quelconque expérience dans ce domaine à cet âge-là.
Passons aux nouveaux métiers d'apprentis maîtres du monde pour lesquels Das Kapital en collaboration étroite avec IBM, MIT, les écoles de commerce, Microsoft et Windows a inventé de nouvelles dénominations:
Chef de produit, Ingénieur PAO, Back-office professionnel, Webmaster, Assistant marketing web et CRM.
Pourtant tous ces métiers existent, comportent de vraies responsabilités, sont prospères et font des p'tits mais ils m'intriguent, presqu'autant que l' "Art" selon Jeff Koons. On dirait qu'ils ne sont accessibles qu'aux geeks..le temps que j'apprenne à faire un site internet, ils seront déjà 300 sur le champ de bataille.
Alors on se dit qu'il vaut mieux repostuler à des offres qui sont plus dans nos cordes, et parfois il arrive après qu'on a loupé ZE JOB parce qu'on n'est pas motorisé, qu'on ait une réponse favorable pour un poste de rédacteur de synthèse international, Bac+5, bilingue anglais, autre langue serait un avantage, SMIC horaire, plus primes, CDD 9 mois non renouvelable.
Si la société se trouve à la défense, l'entretien aura lieu au siège social, à Chambourcy (oh oui oh oui). Fou de joie on se remet à potasser "comment préparer son entretien d'embauche" avant le rendez-vous histoire d'arriver avec un discours bien rôdé. On se présente 15 minutes avant l'entretien afin de prouver sa ponctualité et sa bonne volonté.
L'entretien se déroule bien, on se donne l'impression d'être un petit perroquet savant qui récite sa leçon avant de devoir répondre à une série de 80 questions portant sur nos expériences et aspirations. Enfin le test fatidique pour lequel on a 45 minutes pour synthétiser 4 textes, deux en anglais et deux autres en français. On se rend soudain compte qu'on est pas certain d'avoir le job quand on commence à avoir des suées devant la feuille blanche comme quand on était potache devant l'interro de philo.
Deux jours plus tard, on est blasé en ouvrant la lettre de l'entreprise nous avertissant que notre candidature n'a pas été retenue.
On désespère alors en se disant qu'on ne trouvera rien, surtout si ça fait plus de trois mois, que le chiffre officiel c'est 2 204 500 chômeurs et qu'on se dit qu'on n'est même pas recensé parce que, confiant et motivé, on ne pensait pas rester dans cette "situation" trop longtemps.
Et là au moment où on pensait que tout espoir était vain et l'est encore à moins de se "vendre", Il arrive, lui Yannick Miel, l'étudiant qui s'est vendu à 45 euros, mais dont e-bay a d'abord fait disparaître l'annonce avant qu'il ne re-persiste et signe, en s'attirant l'attention de TOUS les médias et par la même occasion en foutant la honte à son gouvernement qui se devait de réagir dans l'instant en dépêchant Martin Hirsch, nouveau Haut commissaire à la Jeunesse et récemment Monsieur Jet'OffreduTaffTuN'asQu'àl'Demander.com, pour lui en donner du boulot à ce jeune diplômé plein d'avenir!
M.Hirsch et ses caméras se sont peut-être aussi précipités pour que les médias étrangers, parce qu'on sait depuis longtemps que les médias français ne jouent plus ce rôle-là, n'en profitent pas pour critiquer l'inertie du gouvernement français face au grand nombre de chômeurs ni pour aller colporter en Amérique, où tout le monde avait trois jobs avant la crisis et se moquait à gorge déployée des lazy french bastards, que le gouvernement français soutient le patronat au détriment des jeunes diplômés et du reste des chômeurs, mais j'dis ça j'dis rien.
Yannick Miel était ce soir, en chair et en sourires sur le plateau de Nulle part ailleurs, ça tombe sous le sens tiens. On le voyait probablement sur le parvis de la défense, en homme-sandwich arborant fièrement l'annonce :"étudiant à vendre" et distribuant des tracts aux passants devant son stand "étudiants à louer faites vos offres" avant d'être assailli par le ministre ad hoc de "l'emploi instantané" devant les caméras de télévision.
Admirez la technique ingénieuse de Yannick, dans la rue et sur e-bay: "Pratique, et peu coûteux à l'entretien, vous ne regretterez pas de vous offrir ce superbe jeune diplômé en pleine santé".
Diplômé d'un master 2 "Intelligence économique et management des organisations" à Bordeaux IV, Yannick Miel cherchait du travail depuis cinq mois après avoir envoyé 300 candidatures et passé une vingtaine d'entretiens, sans succès à ce jour. En bref on lui a offert un poste de chargé de mission pour le gouvernement en CDD de 4 mois (renouvelables?)
Yannick Miel espère "mettre en lumière la question de l'insertion des jeunes diplômés en période de crise", selon son communiqué de presse envoyé aux médias. J'applaudis son intention et ses moyens d'y arriver, c'est malin et puis, j'espère qu'il trouvera une réponse.
Alors si vous souhaitez éviter l'enfer de la "galère de taff" à vos enfants suivez les conseils de quelqu'un qui sait de quoi il parle quand il nous dit que "tous les élèves vont en S et laissent le reste".
Il a raison j'ai envie de dire, mettez vos gosses en S, ils trouveront plus de "débouchés" que ceux qui comme moi ont fait L (et ne le regrettent pas du reste), parce que lui, quand même, a réussi à placer son fiston à la mairie de Neuilly, mais on le sait c'est la filière scientifique qui l'a mené là et sûrement pas le népotisme.