lundi 23 février 2009

Le kitsch au pouvoir






En matière d'art sommes-nous en France atteints de cécité?

Ou est-ce le mauvais goût, une certaine attirance pour l'artifice et le « bling-bling » qui ont changé nos goûts? Était-ce ce à quoi faisait allusion la chaîne CNN quand elle enquêtait l'été dernier sur la « mort de la culture française?»

Après le très controversé, pourtant absolument exempté de critiques, Jeff Koons, qui transforma le château de Versailles en foire kitsch et de mauvais goût, le très intrigant David LaChapelle investit l'Hotel de la Monnaie avec des oeuvres tout aussi intrigantes, et qui partagent une curieuse similitude avec les délires très irrévérencieux de Paul Krassner dans le magazine Mad pendant les années 1960 aux Etats-Unis, ou avec les photographies de Raymond Depardon dans Manhattan Out, dans les années 1970.

L'art est universel et son influence se doit de transcender les nationalités et les frontières.

L'exemple a été illustré en 2006 sur le sol américain avec l'American Vertigo de BHL, que la critique américaine a salué sans retenue en le qualifiant d'ouvrage français le plus influent depuis Lafayette ( allez à la poubelle Tocqueville!), en n'y voyant pas la moindre référence au Mister Vertigo de Paul Auster ou à n'importe quel film populaire portant dans son titre l'adjectif, comme American Psycho, American History X, ou American beauty, ni aucun clin d'oeil au travail de Alfred Stieglitz ou de Georgia O'Keefe, et vraisemblablement encore moins l'intention exhibitionniste de l'auteur (cf. « l'Amérique est une région de l'âme »), dont la complaisance à l'égard de la politique étrangère américaine pourtant éconduite par sa propre patrie, est devenue de la prostitution.

En bref BHL, le grand prestidigitateur de la philosophie a encore une fois surfé sur la vague de l'opportunisme sans que personne n'y trouve rien à redire.

Soit, tout artiste, qu'il soit peintre, photographe, sculpteur, écrivain, apporte au Panthéon de l'art une nouvelle pierre.
Cependant, l'édifice devrait s'écrouler d'ici quelques années étant donné le nombre de pierres ébréchées qui lui ont été apportées.

David LaChapelle à l'instar de Jeff Koons, plait.
Mais qu'est-ce qui plait dans leur « art »?

Bon je dois reconnaître une certaine créativité et de l'ironie dans le travail de LaChapelle qui me fait quand même rire et attire mon oeil, avec son Death by Hamburger et ses modernes Christ entourés de fashion thugs.
Et puis Rize c'était bien quand même. Mais ses petits cochons forniquant au milieu du showbiz n'ont rien de nouveau.
Au milieu des années 60, Paul Krassner alors rédac chef du magazine Mad avait dessiné tous les personnages de Dysney s'adonnant à la luxure la plus débridée (j'vous laisse imaginer blanche neige...), pour illustrer un numéro où il révélait également « la vraie vie sexuelle de J.Edgar Hoover », patron du FBI à cette période.

Toutefois en ce qui concerne Koons, je trouve douteux qu'un homme qui a eu le mauvais goût de convoler avec la référence italienne du bon goût: La Cicciolina, puisse réellement apporter quelque chose au monde de l'art.

Le caractère bien que universel de l'oeuvre d'art n'en fait pas pour autant une chose qui va plaire à tout le monde.
Avec l'exemption de toute critique, Jeff Koons aurait-il également bénéficié de l'exemption de jugement esthétique?
Dans un siècle ou Pinault se veut mécène tout est possible1.

Bref, je ne comprends pas pourquoi Versailles ou la Monnaie n'exposent pas de photographes aussi talentueux et brillants que Sarah Moon qui est tout aussi surréaliste que Koons ou LaChapelle, Zana Brinski dont le travail quasi-anthropologique est captivant, ou Nan Golding, qui a fait rougir les foules à Beaubourg mais s'est un peu assagie. Les expositions de ces dernières apparaissent comme en périphérie de « l'Art » auquel on accorde le devant de la scène en France.

Mais je ne critique pas les personnes qui y sont allées et ont même pour certaines trouvé les oeuvres à leur goût, ni même l'alliance du baroque et du kitsch, qui peut être très amusante comme parfois chez LaChapelle.
Ce que je critique en revanche c'est cette espèce de diktat de l'esthétique qui est imposé par les « cultureux », les mécènes, les artistes ultra-capitalistes et les musées en perte de visiteurs, car rappelons-le la polémique fait des recettes.

J'ai l'impression que toute cette esbroufe déployée au service de l'art n'a qu'une finalité qui se nomme kapital, car le choix d'exposer ces artistes, érigés en nouveaux Michel-Angelo, Da Vinci et Raphaël, me paraît très élitiste et d'un goût qui n'est pas le mien.

Cependant je peux comprendre une certaine lassitude nationale pour les Arthus-Bertrand et la ribambelle de « petits » que sa technique a fait naître, ou les Reza, dont le travail porte le label du monument National Geographic, qui n'ont pas trouvé mieux pour vendre leurs clichés que de les estampiller du sceau de l'humanitaire.

M'enfin, Jeff Koons a régné et les mots de Kundera sonnent comme le glas: « avant de mourir nous serons tous transformés en kitsch ».


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