Lundi 31 mai 2010, une flottille humanitaire visant à forcer le blocus imposé à Gaza, a été prise d'assaut par les forces de défense israélienne faisant 9 morts et quelques 36 blessés. Si nous avions eu la nouvelle le jour-même de 12 morts, ce décompte macabre allait finalement s'arrêter à 9 morts quelques jours plus tard, une fois la censure israélienne prise en défaut. Ce énième acte de piraterie du gouvernement israélien dans les eaux internationales, et les nouvelles condamnations qu'il provoque, n'ont pas pour autant empêché Bernard Henri Levy de renoncer à sa tâche de "romanquêteur" et...d'hypnotiseur de foules.
Le voilà de nouveau, dans un remarquable édito du jour dans Libération, déformant la réalité à coups de marronnier, et quelques heures plus tard (ah douce ubiquité médiatique entretenue par force relations et jeux de pouvoir!) sur le plateau du Grand journal de Canal+.
Quand Ali Badou l'apostrophe, avec toute la rage du journaliste d'entertainment muselé: "Au bout d'un moment il faut compter les morts!", BHL n'hésite plus et se lâche, sans même éprouver la moindre crainte - ni même un soupçon de honte en fait, puisque jamais (jamais) personne ne la lui mettra en le contredisant - d'être complètement hors sujet: "Oui il va falloir commencer à les compter en effet, au Darfour, 400 000 morts, en Tchétchénie, 200 000 morts, au Rwanda..." (liste non exhaustive bien sur)
Tout spectateur qui lit les journaux, et qui n'est ni un "expert" militaire, ni un spécialiste des médias, est à même de comprendre que des déclarations comme: " la bande de Gaza n'est pas sous contrôle militaire israélien, et que ses habitants ont été pris en otage par un coup d'Etat", sont autant de déclarations absolument extravagantes n'ayant pas le moindre lien avec la réalité.
La phrase la plus salée reste la réponse qu'il a faite à Denisot après que ce dernier lui a demandé: "Comment expliquez-vous qu'il y ait autant de pertes humaines côté palestinien?".
De but en blanc le philosophe ne s'est pas fait prier: "Je pense que les Palestiniens accordent moins d'importance à la vie de leurs enfants que nous", une phrase qui lui vaudrait, si deux/trois associations anti-racistes n'étaient plongées dans une profonde léthargie, une belle poursuite pour incitation à la haine raciale.
Une minute 35 plus tard, au moment où la question porte sur la situation humanitaire à Gaza, BHL, pris d'un sursaut, se rappelle que sa com porte principalement sur la stigmatisation du Hamas et embraille: "Il faut en finir avec ce régime du Hamas de la peur qui fait que les parents Gazaouis sont paniqués si leurs enfants n'ont ne serait-ce que 10 minutes de retard après être sortis de l'école."
Donc quelques secondes avant, il est occupé à faire passer la population Gazaouie pour une bande de fanatiques terroristes, puis il se souvient qu'il faut toujours compatir avec le sort des Palestiniens, tout comme le Global Language Dictionary le préconisait.
Ce "tautologue" professionnel, n'a-t-il pas déjà tout dit dans les pages de Libé? Sa déclaration télévisée n'ajoute rien à sa position, excepté peut-être à persévérer dans le bouclage du débat, précisément grâce à ce que l'on a bien nommé le "matraquage". Si tu monopolises l'espace médiatique en permanence sur un sujet (ou plusieurs), alors tout ce qui a été dit en opposition à tes idées, avant et après ton passage, s'auto-annule.
Du côté USA, les déclarations du gouvernement condamnant l'assaut de la flottille ont été, comme à l'accoutumée, fidèles à elles-mêmes, mais une réaction en particulier a fait la une de l'actualité. Celle de Helen Thomas, correspondante de la Maison Blanche de longue date, une grande figure du journalisme américain.
La fameuse sortie, a été rapportée par la vidéo amateur d'un rabbin, qui croisant Helen Thomas dans les jardins de la Maison Blanche lui a posé la question pour l'occasion: "Que pensez-vous d'Israël?", avant de s'empresser de la "balancer" à FoxNews, la chaîne des démocrates (sic.). Tollé assuré après sa déclaration, et c'est un peu normal. Toutefois si nous possédons la mémoire, qui nous différencie des animaux, nous sommes capables de juger que le contexte actuel de l'Allemagne ou de la Pologne (quoique...) n'a rien à voir avec l'antisémitisme régnant dans ces mêmes pays pendant la Deuxième guerre mondiale. Provocation délibérée? Outre le stigmate de la Shoah, Helen Thomas sait pertinemment qu'Israël est une réalité concrète et qu'on ne pourrait pas exiger de ses citoyens qu'ils se fondent en Europe, puisqu'elle a toujours défendu la solution à deux Etats.
Et le petit débat entre les trois "media workers" de FoxNews qui s'en suit sonne comme une quasi-injonction pour le spectateur à ne plus jamais écouter les élucubrations de cette (vieille) folle furieuse: "A son âge! tout le monde aurait pensé qu'elle été bien plus sage!" s'exclame la blonde sur le plateau.
Helen Thomas semblait pourtant en pleine possession de ses moyens, et ses arguments paraissaient légitimes au moment où elle a interpellé l'attaché de presse de la Maison Blanche quelques minutes plus tôt.
A la suite de cette regrettable déclaration, elle démissionne et présente des excuses publiques. L'affaire en laissent certains sceptiques sur le principe de liberté d'expression aux Etats-Unis
A la suite de cette regrettable déclaration, elle démissionne et présente des excuses publiques. L'affaire en laissent certains sceptiques sur le principe de liberté d'expression aux Etats-Unis
Pendant ce temps en Israël on avait déjà concocté une petite vidéo "humoristique", selon les Israéliens, intitulée "We con the world", "on s'est bien foutu de la gueule du monde!", traduction plus adaptée au contexte que "on arnaque le monde!". Faisant preuve d'un cynisme redoutable, mais surtout d'un sens accru de la communication de masse, les Israéliens ont choisi de parodier le célèbre tube des années 80 "We are the world".
Mark Reguev, porte-parole du Premier Ministre, confiait, tout goguenard à la BBC qu'il avait trouvé la vidéo très drôle et qu'il avait appelé ses enfants à venir le rejoindre devant la télévision, et à partager sa conception très personnelle de l'humour. De plus, toujours dans l'article de la BBC qui titrait: "Israël apologises for spoof video mocking gaza flotilla", nous apprenons que "le gouvernement israélien n'a rien à voir avec cela." Ce qui moralement, rassure vachement.
Soit, des deux "info" - ou plutôt des trois, étant donné que c'est bien l'agression de la flottille qui a donné lieu aux deux dernières nouvelles - c'est la réaction de Helen Thomas qui a été la plus médiatisée.
Que sont 9 morts en comparaison à une stupide apostrophe faite aux juifs (Israéliens; précision pour éviter les grossiers et commodes amalgames pratiqués à outrance par certains médias) de "rentrer chez eux" en Pologne, en Allemagne ou aux Etats-Unis aujourd'hui?
Ainsi au nom de la liberté d'expression, on peut et on devrait pouvoir rire de la mort de 9 personnes sauvagement assassinées par l'armée israélienne. Et parce que ce principe de liberté d'expression l'exige et c'est tant mieux, tout un chacun devrait avoir le droit d'exprimer ses opinions, sans qu'on n'y adhère pour autant, mais sans pour autant pouvoir en être inquiété.
Mais ici, qu'est-ce qui nous choque au plus profond de nos âmes?
Helen Thomas est d'origine libanaise, ce qui peut en effet aider à comprendre pourquoi on pourrait juger Israël comme un pays hors la loi quand on est originaire du Liban, dont la souveraineté a été violée pendant 22 longues années par l'Etat Hébreu, puis à nouveau par la guerre de 2006, et serait encore une fois menacée cette année. En 50 ans de métier, Helen Thomas n'a pas observé la moindre velléité de paix se profiler dans le camp israélien.
Qu'est-ce qui devrait vraiment nous choquer? Devrions-nous nous choquer parce qu'une journaliste a ouvert une blessure de l'histoire aussi douloureuse en réaction aux événements du lundi 31 mai 2010? Devrions-nous nous choquer qu'une bande de pirates se faisant passer pour une armée régulière avec un sens de la "moralité" au dessus de tout soupçon, et exemptée de la remise en question la plus élémentaire, ait sciemment liquidé des gens puis ait eu l'idée d'en faire une vidéo-parodie, pour en "rire"?
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