En ces temps de commémoration de la chute du mur de Berlin, d'autres événements, souvent plus intéressants, ont eu lieu, mais dans la presse française, ces news passent à la poubelle.
Autant d'écrans de fumée à l'instar du débat sur l'identité nationale accaparent l'espace médiatique, en nous ramènant inlassablement à des préoccupations très en "vogue", comme, le muslim-hunting.
Il est intéressant de constater, à partir de maintenant, que pour mériter d'"être Français", il faut chanter La Marseillaise au moins une fois par an, soutenir des politiques draconiennes d'immigration, et surtout, se révolter à la vue d'une burqa. C'est "l'identitaire national" (pour reprendre l'expression de D.D.T. dans le Nouvel Obs de la semaine dernière) selon Eric Besson.
Le gars qui n'a pas peur de dénoncer les privilèges dont bénéficient les musulmans de France, et les abus, qu'ils sont d'ailleurs les seuls à commettre. Genre Yvan Rioufol du Figaro (de Serge Dassault, de l'UMP) qui encourage le débat: "tant le besoin de dire les choses est partagé par de nombreux Français jusqu'alors assignés au silence."
Des choses essentielles d'ailleurs, pour la presse: Diam's se convertit à l'islam = la République est en berne.
Mais pour Libé, elle lance un S.O.S. à ses fans. Nous voilà rassurés. Au terme d'un véritable procès pour "conversion", sous-couvert de vouloir apaiser "l'inquiétude" des parents des fans de Diam's, la journaliste de Libé lui reproche de ne pas "s'expliquer". Non, ça n'a rien à voir avec une chasse aux sorcières puisqu'on vous le dit...
De la même manière toutes les femmes qui portent la burqa lanceraient des S.O.S désespérés que seuls un député PC, l'UMP et ses partisans entendraient.
Il est donc nécessaire, voire obligatoire, de faire une nouvelle loi, sur le même modèle que la première, afin de purger la République de signes religieux ostentatoires, arborés insolemment par une et même religion. L'impératif est là, et le stigmate aussi.
Seulement, et c'est écrit noir sur blanc dans le Monde du 13 novembre, p.13: "Si le fonctionnement des services publics - en l'espèce les établissements d'enseignement - a pu justifier les règles particulières par la loi de 2004 interdisant le voile à l'école, il en va tout autrement dans ce que l'on appelle l'espace public où, a souligné M. Schwartz, "se pose à l'inverse la question du respect des libertés fondamentales."
Le gouvernement viendra-t-il à bout de "l'islamo-fascisme" au mépris des libertés fondamentales? Nous ne le saurons qu'en 2010. Mais tout le laisse présager.
Mais passons au mur de Berlin et à la mort de Claude Levi-Strauss. Le premier événement est rabattu dans la presse depuis plus d'une semaine maintenant.
Comme l'a écrit Pierre Marcelle dans les pages de Libé, reprenant, Daniel Schneidermann: «nous souhaitons moins informer que célébrer, et surtout célébrer notre capacité à célébrer».
L'événement était tellement extraordinaire, qu'on lui a même apporté quelques retouches:
"En superposant à seulement deux jours de distance les commémorations de la chute du Mur de Berlin et de l’armistice de 1918, le calendrier confondait, à travers la personne d’Angela Merkel, deux cérémonies et deux relations franco-allemandes dans un exercice confinant à la schizophrénie."
On aurait pu se rematter Goodbye Lenin, mais non, il fallait qu'Angela Merkel aille aux Etats-Unis pour dire sa gratitude...et que Sarko nous donne "sa version" d'une visite à Berlin, le 9 novembre 1989, remise en place deux jours plus tard par de "sulfureux" journalistes de Libération et du Monde.
Ce qui est génial en revanche dans notre presse française, redresseuse de tort quand elle le sent, c'est l'amnésie qui lui vient quand il s'agit de faire des analogies, pourtant évidentes. On parle du mur entre le Mexique et les Etats-Unis, du mur en Corée du Nord, très peu il est vrai du mur de Chypre, mais cinq lignes hier dans Libé, et quelques 200 signes dans Le Figaro aujourd'hui sur le mur que Israël a érigé en divisant la Cisjordanie en tant de bantoustans.Si les banales lignes de Libé se donnent au moins la peine de relayer l'information, le papier du Figaro y va franco dans le titre "Des Palestiniens marquent à leur manière l'anniversaire de la chute du Mur".
On y apprend que 150 personnes ont réussi à faire tomber un pan du mur avant d'être dispersés (sûrement dans le calme) par l'armée israélienne, à laquelle ils ont répondu par des jets de cailloux. Les infâmes!
Obligé par les faits, le journaliste du Figaro précise à la fin de son article que le mur a été déclaré illicite par la CIJ, et que sa longueur totale devrait atteindre à peu près 709km.
Qu'est-il advenu des 21km supplémentaires mentionnés par la dépêche de Libération? De l'information de première qualité...
On ne peut que peu les en tenir responsables, étant donné le caractère farfelu que prennent les données et les chiffres dès qu'il s'agit d'Israël.
Deux journaux en ont vaguement parlé, ça s'est passé le 6 novembre 2009 à Ni'lin, dans la région de Ramallah. Ce non-événement ne se retrouve rattaché ni au cours de l'histoire contemporaine, ni à rien d'ailleurs. Publié les 9 et 10 novembre dans Libération et le Figaro, au moment même de l'anniversaire de la chute du Mur, il indiffère. Pourtant, ce mur plus qu'aucun autre est le "nouveau" Mur de Berlin.
Mais après l'indifférence générale dans laquelle les habitants de Gaza sont morts l'hiver dernier, comment s'étonner du manque d'intérêt que représente une telle information. La presse rechigne probablement à "couvrir" les représailles israéliennes qui s'en sont suivies.Pourtant, des journalistes zélés n'ont pas hésité à établir un lien de causalité entre la fusillade de Fort Hood et les origines palestiniennes de son auteur. Le lendemain, dans le Parisien, on apprenait que le Major Nidal M. Hasan était rattaché à Al Qaïda, et sans doute co-organisateur des attentats du 11 septembre...
Enfin, nous "célébrons" Claude levi-Strauss, le père du structuralisme. Un grand intellectuel français, le dernier géant, selon Joseph Macé-Scaron.
"Lorsqu'un tel arbre tombe, on se soucie peu de la broussaille qui pousse.", écrit-il, un peu perfidement, à l'attention des nouveaux "philosophes".
Mais, lui non plus n'a rien à signaler sur le racisme du bonhomme repris gaillardement par ses fans. Et pourtant, les exemples pleuvent...
Et s'il est vrai que "la mort de l'ethnologue a initié nombre de commentaires et d'éloges mielleux, faisant de l'ethnologue l'inventeur de l'anti-racisme ou du développement durable", le seul journaliste qui s'est risqué à cette outrecuidance, n'a eu d'autre choix que de se raviser aussitôt.
En somme, l'article de Philippe Cohen, qui n'avait d'autre prétention que de susciter une petite polémique (ne soyons pas naîfs, il s'agit de Marianne), s'est fait tancer avec une virulence aux allures de censure. Au moment où l'on fête la chute d'un symbole d'oppression, les résidus sont pourtant encore présents. La pensée unique a la peau dure, et il ne sera jamais question de toucher, de près ou de loin, à un symbole national français.
Exeunt les suicides chez France Télécom, les licenciements, les sans-papiers qui se font livrer à la police par leur banquiers, le "droit de réserve" des lauréats du Goncourt, Clearstream et les affaires Polanski et Mitterrand, la "tranquillité" de la scientologie, l'intox de la grippe A, le débat sur la castration chimique. Tant qu'on chante la Marseillaise en s'inventant un passé visionnnaire, tout rentre dans l'ordre...
Mais ce n'est pas tant l'idée de débattre sur la question "Qu'est-ce qu'être Français aujourd'hui" qui taraude, mais bien le "p'tit chemin de boue" que le gouvernement souhaite nous faire emprunter pour y arriver...
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